COMPOSER LE VIN
CRÉER ET PARTAGER UN VIN SINGULIER
aUX ORIGINES DE LA PURETÉ
A la vendange, les raisins ou les moûts de plus de 30 crus arrivent au chai. L’enjeu sera de permettre la meilleure expression de chacun pour ensuite en toute liberté composer les assemblages. Seules les premières presses, les plus pures, sont retenues, soit les 50 premiers centilitres de chaque kilo de raisin. C’est une règle exigeante depuis l’origine de la Maison.
La cuverie thermo régulée est équipée de 400 barriques et de 96 cuves en inox de tailles différentes. Cette variété de contenances, tel un alignement de casseroles dans une grande cuisine, permettra de s’ajuster au plus près des surfaces. Une fois les moûts arrivés dans les caves de Reims, Laurent Guyot, chef de cave de la Maison, les répartit en cuve ou en barrique selon leur provenance. Chaque cru, parfois même chaque parcelle, peut donc fermenter séparément.
La plupart du temps, la transformation malolactique s’ensuit naturellement en fin de fermentation alcoolique. En effet, le niveau d’acidité des vins est au départ plus élevé que la moyenne puisque seule la première presse est utilisée ainsi qu’une forte proportion de Chardonnay. (Les secondes presses que nous n’utilisons pas sont, elles, moins riches en acidité). La « malolactique » permet d’atténuer cette acidité de départ et d’obtenir des vins purs et élégants de façon naturelle. Les vins issus de cette première fermentation sont des vins blancs tranquilles appelés « vins clairs ». Bien au-delà des caractéristiques de leurs cépages, ces vins portent tous en eux les typicités d’un cru ou d’une parcelle de la Champagne.
C’est ainsi que l’on constitue, chez Bruno Paillard, cette extraordinaire palette de vins qui permettra de composer – orchestrer – les assemblages de chaque cuvée.
L’art de l’assemblage
Entre la fin de l’hiver et le printemps, l’activité essentielle est la préparation des assemblages.
Pour ce travail, il faut du temps… Du temps, car en automne ils sont encore fantasques, bourrus ; bien trop fermés pour exprimer leur plein potentiel… Du temps, car cette matière vivante ne cesse d’évoluer. Entre la première série de dégustation et la composition finale des assemblages, plusieurs mois vont s’écouler.
Dès l’origine, Bruno Paillard crée les assemblages, rejoint en 1995 par Laurent Guyot. Il y initie Alice à partir de 2007. Le trio travaillera plus de 10 ans ensemble avant que Bruno Paillard estime le moment venu, après les assemblages 2020, de prendre du recul. A l’issu de ces multiples dégustations, ils auront sélectionné les vins qui entreront dans l’élaboration des Champagnes Bruno Paillard. A chacune des cuvées correspond une composition, un assemblage spécifique. Cela à partir de vendanges très différentes d’une année sur l’autre.
Pour les multi millésimes, il s’agit de réinterpréter avec fidélité et excellence l’assemblage créé par Bruno Paillard au commencement de la Maison. Les vins de réserve (de 25 à 50% de l’assemblage, parfois plus) et la diversité des crus seront pour cela d’une aide précieuse. Ainsi, les assemblages multi millésimes de Bruno Paillard ne sont pas uniquement des assemblages de crus et de cépages, mais aussi d’années, et de types de vinification : cuve inox ou barrique de chêne.
A l’inverse, pour les champagnes millésimés, l’objectif de la Maison est d’exprimer, toujours dans son propre style, la quintessence d’une seule année. Seules les grandes années sont millésimées et l’assemblage sera représentatif des particularités du millésime en question. Chacun est une nouvelle création. C’est la raison pour laquelle l’étiquette de chaque millésime changera, illustrée par un peintre contemporain.
De très longs élevages
En avril ou mai, 8 à 9 mois après la vendange, lorsque les compositions sont déterminées, puis les assemblages réalisés, les vins sont mis en bouteille dans leur flacon définitif : demi-bouteille, bouteille, magnum, jéroboam ou mathusalem, avec ce qu’il faut de levures pour la seconde fermentation.
Chaque flacon est fermé par un bouchage provisoire puis couché en cave pour plusieurs années. Commence alors dès la seconde fermentation, propre à chaque bouteille, une longue maturation hors du temps, de la lumière et de l’oxygène à une température parfaitement constante de 12°C.
C’est au cours des premiers mois de cave que s’effectue la seconde fermentation et par conséquent « la prise de mousse » : fermée, la bouteille ne permet pas au gaz carbonique de s’échapper comme lors de la première fermentation en fûts ou cuves ouvertes. Celui-ci se dissout alors dans le vin en des millions de futures petites bulles qui s’affinent pendant ces longues années de repos. Ainsi s’explique l’effervescence si douce des champagnes Bruno Paillard.
Les levures devenues des lies reposent dans la bouteille couchée continuant de confier au vin leurs secrets. C’est « l’autolyse » des levures, qui enrichit le vin. Cette lente et mystérieuse alchimie, contribuent à la finesse et la complexité exceptionnelles des Champagnes Bruno Paillard.
Chez Bruno Paillard, les durées de vieillissement sont largement supérieures à la réglementation champenoise, au moins du double pour la Première Cuvée, jusqu’à 8 ou 9 ans pour les Millésimés, voire 10 à 12 ans pour le N.P.U. – Nec Plus Ultra. Une exigence qui s’impose selon les caractéristiques des années, et qui vise à affirmer la complexité optimale des vins.
LE REMUAGE
Lorsqu’après des années de ce long sommeil, le vin se prépare à sortir dans le monde, il faudra évacuer le dépôt constitué par les lies. Pour cela, il est nécessaire de le concentrer en un seul point de la bouteille : près du bouchon.
La technique ancestrale du remuage à la main était délicate et surtout relativement irrégulière. On utilisait pour cela des pupitres en bois. Les bouteilles y étaient d‘abord installées pratiquement horizontalement. A la suite de mouvements de rotation et d’inclinaison elles étaient conduites par le caviste jusqu’en position presque verticale, « tête en bas », en une trentaine de manipulations étalées sur 1 à 2 mois. Chez Bruno Paillard, cette technique n’est plus utilisée que pour les grands flacons (jéroboams et mathusalems).
En effet, une contribution essentielle à la qualité du remuage a été l’invention des « gyropalettes ». Ces appareils fonctionnent avec une régularité et une précision absolue, garantissant la qualité du remuage – et donc la brillance – d’un vin. Elles peuvent activer des angles de 1°, et des rotations d’1/60ème de tour, soit une précision jamais atteinte à la main. Dans ce cas précis, la machine fait incontestablement mieux que l’artisan.
Le dégorgement et le dosage
Après une centaine de micro-mouvements en « gyropalettes », les bouteilles se retrouvent « sur pointe » – tête en bas – le dépôt parfaitement rassemblé contre le bouchon, prêtes à être « dégorgées ». Le dégorgement est l’opération consistant à expulser le dépôt formé par les levures pour ne retenir que le vin limpide et brillant.
Autrefois, il s’effectuait « à la volée » (à la main). Le dégorgeur tenait la bouteille « tête en bas », l’ouvrait, puis la redressait prestement en laissant partir juste ce qu’il fallait de vin pour que tout le dépôt soit éliminé, puis retenait le vin avec son pouce. Mais l’opération ne garantissait ni une régularité ni une propreté parfaite.
Aujourd’hui, le col de la bouteille « tête en bas » et son dépôt sont congelés sur une hauteur d’environ 2 à 3 cm à -25°C ce qui forme un glaçon dans le col et permet ensuite grâce une ouverture de la bouteille « debout », une expulsion facile du dépôt. Ainsi, les pertes sont limitées, et surtout égales d’une bouteille à l’autre. Le centilitre de vin perdu dans l’opération est remplacé par le « dosage » : il s’agit de vin de réserve contenant plus ou moins de sucre. Ce dosage est toujours Extra-brut chez Bruno Paillard, c’est-à-dire contenant moins de 4,5 grammes de sucre par bouteille. (Par comparaison, un “Brut” peut contenir jusqu’au double de sucre). Aussitôt, le bouchon est posé, puis son muselet, qui le retiendra malgré la pression.
Après cette « opération », les vins sont systématiquement reposés en cave pour une sorte de « convalescence ». Ce repos sera de 5 mois pour les plus jeunes, tandis que les plus anciens, nécessitant une convalescence plus longue, y retournent entre 12 et 18 mois, avant d’être habillés puis expédiés. L’explication de ce besoin de repos est simple : bien que s’agissant d’une simple opération, la durée de convalescence nécessaire est plus longue sur un vin très mature que sur un vin jeune… (un peu à l’image d’une opération bénigne de l’appendicite : le temps de convalescence nécessaire sera plus long pour une personne de 50 ans, que pour celle de 30 ans ou un enfant de 7 ans !)
A partir du dégorgement, recommence un processus naturel de vieillissement du vin dont l’évolution aromatique (fruits, fleurs, épices, confit, torréfié…), visuelle et gustative est passionnante pour le dégustateur.
C’est pourquoi Bruno Paillard a été le premier, dès 1985, à inscrire sur chacun de ses flacons, le mois et l’année du dégorgement. Ce choix révolutionnaire de transparence lui a valu nombre de critiques, et pendant 20 ans il a été le seul à publier cette information sur tous ses vins. A partir des années 2000, d’autres producteurs, toujours plus nombreux, ont suivi.